Jean Richard & les éditions d'en bas couronnés par le prestigieux Prix Enrico Filippini
Je travaille aux éditions d'en bas à Lausanne depuis janvier 2014 aux côtés de Jean Richard et Antonin Gagné.
Les Éditions d'en bas - pierre angulaire éditoriale de la littérature traduite
Peter Bichsel, Dorothee Elmiger, Pedro Lenz, Ilma Rakusa - les Editions d'en bas à Lausanne ont déjà publié plusieurs livres traduits de ces auteurs suisses de langue allemande.
Et ce ne sont là que cinq des 25 auteurs de la Suisse germanophone qui figurent dans le catalogue de cette maison d'édition.
Les Éditions d'en bas sont ainsi les plus engagées de toutes les maisons d’éditions de Suisse romande dans la traduction littéraire entre les langues nationales. Les œuvres de tous genres - prose narrative, poésie, théâtre et essai - ne sont pas seulement traduites de l’allemand, il y a aussi une fréquence supérieure à la moyenne des traductions d'autres langues nationales. Des noms tels que Fabiano Alborghetti, Alberto Nessi et Anna Ruchat de l'italien et Ruth Plouda et Leo Tuor de la Suisse rhéto-romanche en témoignent.
Rencontre de différentes langues
"Bien sûr, tout cela n'est possible que grâce au soutien du secteur public et des fondations privées", explique Jean Richard, directeur de publication des Éditions d'en bas depuis 2001. "Et
heureusement, ce soutien s'est encore renforcé au cours de la dernière décennie", poursuit-il.
Grâce à ce développement, il a, par exemple, pu publier un certain nombre de livres bilingues. Les textes de Zsuzsanna Gahse, Klaus Merz et Francesco Micieli ont été publiés en allemand et en français, ceux de Yari Bernasconi, Fabio Pusterla et Leonardo Zanier en italien et en français et "Sez Ner" d’Arno Camenisch même en trois langues, Sursilvan, allemand et français.
"Je suis toujours fasciné par la rencontre des langues, par la façon dont le passage de l'une langue à l'autre révèle les différentes couches qui se sont sédimentées en elles", dit Jean Richard. Il a l'habitude de vivre dans plusieurs langues depuis son plus jeune âge. Ayant grandi en Afrique du Sud, il parle le français et l'anglais, s’est familiarisé avec l'afrikaans et l'italien et regrette seulement aujourd’hui de ne pas avoir un accès direct à la littérature en langue allemande.
Pour ce segment important de son catalogue, comme pour ses activités d'édition, il s'appuie sur un large réseau de collaborateurs. Aujourd'hui, il partage la direction de la maison d'édition avec Pascal Cottin, un promoteur de livres expérimenté d’origine française, et Antonin Gagné, responsable des finances, des infrastructures et de la distribution.
Seul, il n’aurait pas réussi à produire 50 titres chaque année par le passé et n’arriverait pas en assurer 20 aujourd'hui. Les trois genres littéraires de base ne constituent qu'un des trois piliers de la maison d'édition. En outre, il y a des livres politiques, historiques, sociologiques et juridiques, ainsi que des témoignages et des récits de vie.
Montrer la face cachée de la Suisse
L'association Editions d'en bas a été fondée en 1976 par Michel Glardon pour montrer la face cachée de la Suisse, révéler l’envers du décor : ‘d'en bas’, dans la perspective des exclus et des
exploités. "Mais dès le début, nous avons aussi passé par-dessus les rideaux de Rösti, de Polenta et du Pizokel pour donner la parole à nos voisins des autres langues nationales", explique Jean
Richard. "Ce n'est pas un hasard si le grand traducteur Gilbert Musy a été parmi les fondateurs de notre maison d'édition."
Ce ne sont donc pas seulement les voix d'en bas mais aussi celles d’à côté que cette maison d’édition veut faire entendre. Depuis le début du nouveau millénaire, elle donne encore plus d’importance à la traduction en cherchant la collaboration avec le Centre de traduction littéraire de l'Université de Lausanne et avec le Service de presse Suisse, pour lequel elle publie depuis 2012 l'édition française de la revue annuelle trilingue "Viceversa Littérature".
Suisse, Europe, Afrique
"Mais nous ne nous concentrons pas uniquement sur la Suisse", souligne Jean Richard. "Nous avons aussi plusieurs auteurs d'autres pays. L'un des plus intéressants est Andréas Becker, un auteur
français d'origine allemande qui écrit un français hybride surprenant."
"En raison de mon propre multilinguisme, les textes qui ouvrent un troisième espace dans le sens de Homi Bhabha exercent sur moi une fascination particulière", explique l'éditeur intrépide. "C'est pourquoi j'ai aussi créé une maison d'édition en Afrique et fait traduire en kinyarwanda rwandais et publier à Kigali le roman primé "Petit pays" de l'auteur et rappeur franco-burundais Gaël Faye. Mais notre distribution reste principalement centrée sur l'Europe francophone."
Le roman familial de 700 pages "Sans repos" ("Die Ruhelosen") de Michèle Minelli, traduit par Délphine Piquet, est paru en octobre. Début 2020, suivront "L’Ombre de Bloom" ("Blooms Schatten") de Reto Hänny, traduit par Lionel Felchlin, "Hannes" d'Oscar Peer, traduit du Vallader par Walter Rosselli, et le recueil de nouvelles "Le Sauveur" ("Der Stachel") de Markus Kirchhofer, traduit par Valentin Decoppet. En plus des traducteurs confirmés, les Éditions d'en bas donnent également l'occasion à de nouvelles forces de faire leurs preuves.
Interrogé sur ce qui est le plus important pour lui dans son travail, Antonin Gagné, le plus jeune membre de la direction de l'édition, répond sans hésitation : "D'en bas, bien sûr, cela reste notre devise, plus que jamais !
Auteur : Daniel Rothenbühler, ch-intercultur – 28/11/2019